A l’occasion du congrès de l’Ugict qui aura lieu du 23 au 26 novembre à Rennes, voici les enjeux revendicatifs et de vie syndicale.
Enjeux revendicatifs spécifiques aux cadres et professions intermédiaires.
Les cadres et professions intermédiaires représentent 45% du salariat (19% de cadres et 26% de professions intermédiaires) une très forte augmentation alors que l’on comptait seulement 8% de cadres et 20% de Professions Intermédiaires en 1982[1]. Au nom de cette augmentation numérique, on entend souvent que les cadres et professions intermédiaires seraient des salarié.e.s comme les autres, qu’il n’y aurait plus de spécificité.
Les ICTAM sont des salariés au même titre que les autres, et, contrairement à ce que porte le patronat, ils doivent avoir les mêmes droits (droit de grève, liberté d’expression, temps de travail…). Par contre, du fait des rapports sociaux, ils ont un rapport spécifique au travail, à leur hiérarchie et même au syndicalisme. Ce ne sont pas des salarié.e.s comme les autres.
Nous définissons la spécificité autour de 3 critères, qui ont été repris dans l’ANI encadrement gagné par la CGT :
- Le niveau de qualification. 87% des cadres et 62% des professions intermédiaires sont diplômé.e.s du supérieur[2], un chiffre en forte augmentation avec la baisse du nombre de cadres « issus du rang ». Les ICTAM (ingés, cadres tech agents de maitrise) sont de plus en plus diplômés mais leur qualif est totalement niée par le patronat qui individualise la rémunération et le management : dans le privé, 54% des cadres ont une rémunération avec une part variable[3] (primes sur objectif, commission sur chiffre d’affaire…).
- La responsabilité d’une façon générale, au-delà des simples responsabilités managériales qui ne sont plus un discriminant. Seuls un tiers des cadres et 20% des professions intermédiaires sont encadrant.e.s (et 68% des cadres et 52% des professions intermédiaires ponctuellement)[4]. Par contre, leur point commun est que leur travail a un impact sur les autres catégories, qu’ils et elles sont vecteurs et victimes des politiques de direction, « entre le marteau et l’enclume ». Par exemple, les cadres et ingés des SSII, les « planeurs », qui élaborent les méthodes managériales, les stratégies de transformation des entreprises…, n’encadrent personne mais leur travail a un fort impact sur celui des autres. Par exemple encore, les ICTAM qui expertisent la sous-traitance ou non d’une activité, dont les arguments, sur le coût financier, les pertes de savoir-faire ou les problèmes de sécurité, peuvent être déterminants pour empêcher la sous-traitance. Leur responsabilité peut être invoquée au pénal. Par exemple, dans l’accident ferroviaire de Bretigny, c’est le jeune manageur de proximité qui est poursuivi au Pénal, pas la direction de la SNCF ! Pourtant, du fait de la financiarisation des entreprises, les ICTAM sont de moins en moins associé.e.s aux décisions sur les orientations stratégiques. Dans notre baromètre annuel[5], 75% des cadres disent ne pas être associés aux orientations stratégiques et 55% disent que les choix ou pratiques de leur entreprise entrent régulièrement en contradiction avec leur éthique professionnelle…d’où la problématique des lanceurs d’alerte, qui sont, très majoritairement des cadres et professions intermédiaires du fait de leur accès à l’information. L’exercice des responsabilités professionnelles exige des droits spécifiques supplémentaires, nous proposons notamment des droits d’alerte, de refus et d’alternative pour adosser la responsabilité professionnelle sur l’intérêt général.
- L’autonomie dans le contenu de leur travail et son organisation. Par exemple, 66% des cadres et 54% des professions intermédiaires déclarent régler personnellement les incidents la plupart du temps, contre 36% des ouvriers[6]. Les directions jouent d’ailleurs sur cette aspiration à l’autonomie pour remettre en cause leurs droits, par exemple sur les forfaits jours. Elles enferment les ICTAM dans un choix binaire, remettant en cause leur autonomie : forfait jour sans décompte horaire versus pointeuse et micro management. A chaque fois que la question est posée dans ces termes, une majorité de cadres choisit les forfaits jours, alors que nous savons que ce système entraine une augmentation du temps et de la charge de travail effective. Si on se contente de leur dire qu’ils et elles sont des salariés comme les autres, on les jette dans les bras du patronat ! Pour empêcher cette alternative mortifère, l’Ugict propose la mise en place d’un décompte horaire systématique à priori ou à postériori, tout en exigeant que les ICTAM soient, hors nécessité de service, autonomes sur la fixation de leurs horaires de travail. Le temps de travail des ICTAM est très élevé – 44h30 pour les cadres et 42h30 pour les professions intermédiaires- leur priorité est donc une meilleure articulation des temps. Notre revendication de RTT leur parle particulièrement, mais doit être déclinée de façon spécifique : 32h, quand on travaille 45h, c’est inatteignable ! Par contre, la semaine de 4 jours répond à leur exigence d’autonomie dans l’organisation de leur travail, et pour gagner une vraie réduction du temps de travail il faut aussi réduire la charge de travail et l’intensité du travail. Enfin, le télétravail est désormais un marqueur pour les ICTAM et peut accentuer cette autonomie. De ce fait, les frontières vie pro/vie perso sont toujours plus poreuses, avec une charge mentale permanente, et notre revendication de droit à la déconnexion est d’autant plus urgente !
Grâce à l’élévation du niveau de formation des femmes, 42% des cadres et 52% des professions intermédiaires sont des femmes. Toutes les femmes sont victimes de discriminations, mais elles ne s’expriment pas de la même manière en fonction de leur niveau de responsabilité. Pour les femmes ICTAM, le premier enjeu est d’articuler responsabilités professionnelles et maternité, et de gagner un environnement de travail sans sexisme (pour l’exécution c’est les horaires atypiques, la précarité et la pénibilité). Le premier facteur expliquant les écarts de salaire chez les femmes cadres c’est la part variable de la rémunération (dans l’exécution c’est les temps partiels). Exiger la fin des inégalités de salaire est donc aussi un moyen pour combattre l’individualisation de la rémunération. Alors que les directions d’entreprises multiplient les « réseaux femmes » pour les détourner du syndicalisme, et se limiter à une égalité élitiste concernant exclusivement les cadres sup adoptant les codes dominants (présentéisme, compétition, individualisme…), il nous faut faire vivre au quotidien notre syndicalisme féministe pour leur montrer qu’elles ont leur place à la CGT. Au-delà, il l’objectif est de transformer la norme de l’encadrement, de rompre avec le présentéisme, la disponibilité permanente, le management individualisé et concurrentiel.
Alors que le travail des cadres est de plus en plus internationalisé, qu’ils et elles savent que les lieux de décision sont de plus en plus en-dehors de nos frontières, notre crédibilité tient à l’internationalisation de notre syndicalisme. L’Ugict-CGT est affiliée à Eurocadres, nous y avons renforcé notre implication ces dernières années, et c’est ce qui nous a permis de gagner une orientation très combative contre la directive européenne sur le secret des affaires, pour les lanceurs d’alerte par exemple, et plus récemment la reprise de notre proposition de droit à la déconnexion, de notre exigence de réduction du temps de travail, d’encadrement du télétravail et d’un statut pour l’encadrement. Le congrès d’Eurocadres aura lieu en octobre et nous sommes en situation d’y porter Nayla Glaise, DSC d’Accenture, à la présidence. Une victoire historique qui nous ouvrira de nombreuses perspectives et sera aussi un point d’appui pour réorienter la CES.
Les ICTAM ont aussi d’un rapport spécifique au syndicalisme.
Abreuvés des argumentaires des directions, les cadres et professions intermédiaires ont particulièrement besoin pour être convaincus que les propositions de la CGT sont crédibles, de décryptages précis, détaillés et factuels. Privés de la possibilité d’influer sur les orientations stratégiques, les ICTAM apprécient quand la CGT démontre qu’elle a une analyse et des propositions alternatives sur les orientations stratégiques des boites, et leur permet d’y contribuer. C’est le cas dans de nombreux projets industriels, construits grâce à l’apport d’ingénieurs, je pense au projet d’imagerie médicale de Thalès, à la voiture électrique populaire de Renault ou à la 5G économe en énergie de Nokia… Les cadres et professions intermédiaires sont là pour résoudre des problèmes, pas pour en poser ! L’image d’une CGT d’« empêcheurs de tourner en rond » peut être repoussoir, car cela peut se traduire par celles et ceux qui l’empêchent de travailler et lui créent des problèmes ! Nous avons besoin au contraire d’incarner un syndicalisme qui défend et permet le plein exercice du professionnalisme. Alors que 80% des cadres pensent que la CGT ne les défend pas[7], nous avons besoin de rendre visible notre Ugict, de montrer que les salariés qualifiés en responsabilité ont à la CGT un cadre spécifique pour s’organiser et définir leurs revendications. N’ayons pas peur de diffuser les productions de nos organisations spécifiques en affichant clairement leurs logos, c’est un levier de syndicalisation !
De même, si nous nous battons pour garantir que les ICTAM disposent effectivement du droit de grève, il ne faut pas occulter qu’ils et elles ont des difficultés spécifiques pour l’exercer. D’abord le fait que leur charge de travail n’est pas réduite, et qu’ils retrouvent le lendemain le double du boulot à effectuer. Ensuite, ils et elles ont des pressions managériales très fortes. Par exemple, pour leur permettre de s’exprimer en AG sur la grève, il faut souvent mettre en place un système de vote à bulletin secret pour ne pas risquer de les fragiliser face à leur hiérarchie….
Notre syndicalisme spécifique couvre les cadres et professions intermédiaires. Quand on regarde nos baromètres annuels, on constate une grande continuité des problématiques mais il y a des particularités à prendre en compte. C’est ce que l’on appelle traiter la diversité à l’intérieur du spécifique : par exemple sur le temps de travail : cadres et professions intermédiaires ont en commun de travailler beaucoup plus que 35h, mais les cadres sont beaucoup plus autonomes et sont 50% à être en forfait jours, contre 10% pour les professions intermédiaires. Les problématiques salariales sont plus fortes chez les professions intermédiaires, qui subissent glissement de tâches et de responsabilités sans que leur qualification soit reconnue. De même sur l’égalité F/H les femmes cadres sont confrontées au plafond de verre (que l’on appelle à l’Ugict « plafond de mère »), à niveau de qualif équivalent elles ont moins de responsabilités, et les professions intermédiaires aux parois de verre, avec des métiers féminisés (les professions intermédiaires du social, de la santé, de l’éducation, les administratives…) moins valorisés que les métiers masculinisés (les techniciens, agents de maitrise…)
Notre syndicalisme spécifique n’est pas une niche catégorielle. Il ne se limite pas à certains sujets, comme par exemple les forfaits jours ou le télétravail. Pour répondre aux aspirations des ICTAM, il nous faut au contraire, traiter l’ensemble des problématiques à partir de leur rapport spécifique au travail. La question environnementale est un axe central de notre congrès. Nous sommes tou.te.s concerné.e.s par le sujet, mais pas de la même manière. D’abord les ICTAM ont, plus que les autres salarié.e.s, la capacité de se préoccuper de leur qualité de vie, de leur alimentation en consommant bio, de leur lieu de résidence en évitant les lieux pollués…Ensuite et surtout, dans leur travail, ils et elles ont des moyens d’information et d’action que n’ont pas les autres salarié.e.s. Ils vont souvent être les premiers informés de la nocivité d’un produit ou d’une pratique. Etant donné que dans leur travail, ils anticipent, ont une vision plus large des process et de la chaine de production, ils ont aussi plus de vision de ce qu’il faudrait faire pour limiter l’impact environnemental, et, si on leur laissait la possibilité d’exercer leurs responsabilités, la possibilité de faire autrement. C’est d’ailleurs ce que cherchent à éviter les directions quand elles mobilisent l’encadrement sur du greenwashing, la limitation des bouteilles en plastique par exemple, pour mieux faire diversion des sujets centraux. Nous lancerons en grand à l’occasion de notre congrès notre « radar environnemental », pour permettre aux salariés, à partir de leur travail, d’évaluer l’impact environnemental de l’entreprise et de sa chaine de valeur et de faire des propositions alternatives. Cet outil est très attendu : les cadres aspirent à agir sur les questions environnementales et n’identifient pas la CGT comme le lieu où le faire. Il y a qq mois, un collectif de jeunes ingénieurs a annoncé la création de collectifs de cadres engagés sur les questions environnementales dans la moitié des entreprises du CAC 40 ! Pourquoi ne sont-ils pas venus frapper à notre porte ?
Après avoir travaillé sur les spécificités, notre congrès traitera évidemment de la façon de construire des convergences, ce qui est d’autant plus important que la mixité sociale régresse : l’emploi des ICTAM est de plus en plus concentré dans les grandes entreprises et métropoles (51% des cadres travaillent en Ile de France), rupture accentuée par le télétravail, pratiqué quasi exclusivement par les ICTAM. Le spécifique, ce n’est pas la loi du nombre, c’est le contenu de l’activité : ce n’est pas parce qu’une entreprise est à majorité ICTAM qu’il n’y a plus d’activité spécifique ! Ce serait avoir une activité généraliste qui d’un côté oublie l’exécution, qui même minoritaire, a besoin d’une activité qui lui corresponde, et de l’autre ne corresponde pas pleinement aux ICTAM, avec une activité déconnectée des productions des organisations spécifiques. Le tou.te.s ensemble exige donc une culture des débats et une démocratie syndicale ambitieuse et volontariste, au-delà de la loi des logiques de majorité/minorité ou de mise sous tutelle de l’activité spécifique. Le problème, ce n’est pas qu’il y ait des vécus spécifiques ou des revendications spécifiques, c’est quand par recul de notre culture démocratique, nous ne sommes pas capables de les faire converger ! Par exemple sur les salaires, nous voyons avec inquiétude, au mépris de nos repères revendicatifs confédéraux, monter les revendications forfaitaires, qui tassent les grilles et nient les qualif, minorent les augmentations salariales (pour le plus grand bonheur du patronat) et mettent en opposition les catégories. Nous avons comme ça failli perdre un de nos syndicats d’officiers de marine marchande qui menaçait de partir à la CGC car le syndicat général avait négocié une augmentation forfaitaire…
Vie syndicale et représentativité
Compte tenu des enjeux de la représentativité, de la mise en œuvre des résolutions du 51e et 52e Congrès confédéral, les questions de vie syndicale seront au cœur de la tenue du congrès national de l’Ugict, en novembre 2021.
Au-delà de leur nombre croissant, nos catégories constituent de plus en plus un enjeu stratégique de toute transformation : du travail, des garanties collectives, de la mise en œuvre des réformes annoncées, jusqu’à la transformation de notre système social. Elles sont en première ligne dans l’organisation du travail, dans la transformation numérique des entreprises. Premiers utilisateurs des NTIC, elles sont au cœur de l’accélération des formes atypiques du travail et d’emploi (télétravail, portage salarial, autoentrepreneur, contrats de mission, travailleur indépendant des plateformes numériques.) C’est parmi ces catégories qu’on expérimente d’abord la destruction et l’exclusion des garanties collectives, étendue ensuite à l’ensemble du salariat (poste à profil, rémunération variable, contrats d’objectifs liés aux résultats, forfait jours et exclusion des préférences horaires, baisse du niveau de protection sociale…). Le gouvernement, pour détruire notre système social et rendre acceptables ses réformes, stigmatise les cadres, « ces privilégiés », renonçant au progrès social pour tous en instaurant le partage de la pénurie au sein du salariat. Le capital est ainsi exonéré à bon compte de sa contribution.
Agir à partir des conditions d’exercice des qualifications et des responsabilités sociales et professionnelles de nos catégories répond à leurs aspirations tout en contribuant à l’intérêt général du salariat et de son rassemblement. C’est pourquoi, il est nécessaire de redimensionner le déploiement d’une activité spécifique pérenne, donc organisée et d’en préciser le sens.
Cette activité n’est ni une niche catégorielle, réduite à quelques aspects déconnectés de toute activité générale et qui conduit à un travail en silo ; ni un simple relais d’une activité généraliste CGT bis, qui ferait l’impasse du travail de proximité sur les injonctions contradictoires des ICTAM, sans permettre leur engagement de masse dans l’action, comme dans la CGT.
La spécificité est liée aux rapports sociaux au travail, elle est à distinguer des enjeux liés à l’égalité F/H, aux jeunes, au racisme, à la lutte contre les discriminations…Nous structurons l’activité syndicale à partir du travail, c’est la raison pour laquelle nous organisons des syndicats ou sections d’ICTAM, mais pas de femmes, de jeunes…Il ne faut pas confondre la lutte contre les rapports d’exploitation avec celle contre les rapports de domination !
L’activité spécifique est intrinsèque à notre conception d’un syndicalisme de masse et de lutte de classe. Si toutes les confédérations se sont dotées d’organisations spécifiques nationales, ce n’est pas un hasard si seule la CGT s’est dotée d’une activité spécifique structurée dans la proximité, comme au niveau des professions et territoires. Prenant en compte les aspirations à changer la donne quotidienne de leur travail, elle vise ainsi une nouvelle conception de leur place et rôle dans l’entreprise pour une transformation des rapports sociaux dans l’entreprise. Par ailleurs, en permettant à la CGT d’être leur référence syndicale, elle agit sur l’élargissement du rapport de forces en combattant l’austérité et la division du salariat dans le leurre du partage de la pénurie au sein des travailleurs, au nom d’une pseudo équité.
Au niveau des résultats de la représentativité, la CGT perd 150 000 voix dans les élections CSE avec une nouvelle chute de 1,8 %. Si la CFDT confirme sa première place, bien que perdant 40 000 voix, ce recul profite surtout à la CGC et l’UNSA qui progressent de manière continue. C’est donc le syndicalisme catégoriel qui se développe. Passé l’électrochoc c’est maintenant le temps de la lucidité et surtout de l’action : refuser partout un Yalta du syndicalisme entre une CGT rayonnant sur les O/E, et une CGC sur les cadres et professions intermédiaires, mais aussi combattre la démarche de marginalisation de la CGT annoncée par la CFDT, qui forte de sa première place, sonne l’hallali du syndicalisme de lutte de classe.
Nous savons le poids que représentent les votes dans les grandes entreprises et les votes des ICTAM pour renverser d’urgence cette réalité. Nous ne regagnerons pas la première place de la représentativité syndicale sans une syndicalisation et un nombre de candidats présentés à un tout autre niveau parmi les deuxième et troisième collèges et les cadres A et B de la fonction publique.
Cela implique de développer et de travailler un véritable contenu revendicatif pérenne, en phase avec ce que ces catégories vivent, et nécessite d’organiser partout une activité spécifique.
Dans le cadre de la préparation de son prochain congrès, l’Ugict a réalisé un bilan de ces 17 cibles métropolitaines concentrant au niveau national 60% des ICTAM.
Si nous avons bien progressé dans neuf d’entre elles, nous sommes encore loin du compte, confrontés à des difficultés croissantes : d’une part, la stagnation, voire le recul de la structuration spécifique au nom d’une simplification des structures. D’autre part, une raréfaction des moyens affectés à l’activité spécifique.
Des organisations professionnelles de la CGT en butte à une réduction des droits, une absence de politique de cadre, des difficultés pour mener une activité envers les ICT, optent pour une démarche de simplification des structures. Celle-ci se traduit toujours par la disparition d’organisation spécifique. Certains pensent qu’en additionnant des pénuries de syndiqués, indépendamment de leur vécu spécifique au travail, en se rassemblant entre nous sans moyens ciblés pour s’implanter là où nous sommes plus faibles, aboutit naturellement à rassembler un plus grand nombre de salariés. C’est l’inverse qui se produit. La CGT perd en qualité d’intervention de proximité et en syndicalisation systématiquement. Pourquoi ? Cette simplification des structures conduit aussi à une simplification de l’approche revendicative. On exclut des thématiques, qui ne sont pas estimées prioritaires par rapport à la masse de catégories que nous syndiquons déjà. Ce type de simplification aboutit à mettre la « charrue avant les bœufs », en passant outre la construction des convergences et le rassemblement du salariat. On le décrète a priori, appelant autour de slogans généraux, type filet garni, justes, mais qui n’ouvrent pas de perspective pour changer la donne du quotidien de ces catégories et qui conduit à passer à côté de leur identification au syndicalisme CGT et de leur engagement dans l’action.
Autre problématique qui émerge avec plus d’acuité, celle de l’allocation des moyens dans un contexte de diminution. Ne devons-nous pas mener une nouvelle réflexion sur l’allocation du temps syndical lié à nos objectifs de déploiement et nos ambitions électorales ? Ce qui nécessite un travail plus qualitatif sur le suivi orga (état des lieux, bilan, codétermination des cibles et des moyens, réflexion sur notre structuration, syndicat de site, de zone, dans les métropoles…).
Bilan représentativité
Concernant les enjeux de la représentativité, en collaboration avec le collectif « Élections professionnelles », nous avons réalisé un tableau qui analyse quantitativement et qualitativement nos résultats en lien avec notre organisation. Ces résultats sont par collèges et par professions. Ils regroupent 11 fédérations, qui représentent à elles seules 80 % du corps électoral ICTAM.
Nous y avons ajouté pour information, les résultats dans 3 fédérations à moindre enjeu électoral (cheminots, SNJ, officiers de marine marchande), mais intéressantes à regarder car l’activité spécifique y est très structurée et les ICTAM y sont systématiquement organisés dans syndicat ou une section UGICT.
Cette analyse objectivée présente les résultats par fédération en agglomérant les IDCC de leur champ. Elle est réalisée sur le cycle précédent, car nous ne disposons pas encore des résultats stabilisés par collèges. Mais on peut affirmer que les tendances révélées sont toujours présentes et souvent amplifiées. Ces résultats seront donc réactualisés et devraient se décliner dans chaque organisation au plan territorial et professionnel.
Deux remarques générales avant d’entrer dans les commentaires du tableau :
- Si ces résultats entérinent la deuxième place de la CGT, derrière la CFDT, il serait mortifère pour notre organisation d’être dans le déni de la représentativité sous prétexte que la représentativité ne pèserait pas dans le rapport de forces, contrairement aux luttes et mobilisations, ou encore de déserter les CSE, puisqu’on ne serait plus en contact avec les salariés. Il est hors de question après l’électrochoc de la perte (provisoire) de notre première place, d’une désertion de la CGT en la matière !
La représentativité sert aussi au rapport de forces, puisque ces scores jouent dans la validation et les droits d’opposition sur les accords de branches et d’entreprises, sachant par ailleurs que le nombre de sujets « descendus » à l’entreprise est très important. Enfin, les pourcentages obtenus par les orgas impactent directement les moyens syndicaux disponibles, justement pour être en contact avec les salariés.
- On observe une forte évolution des champs professionnels au niveau du nombre d’inscrits entre deux cycles, avec un nombre d’inscrits multiplié par 2 ou 3 dans des branches (exemple commerce) où nous comptons un taux de syndicalisation plus faible et pas ou prou d’activité spécifique organisée. Et inversement une diminution de 25 à 30 % d’inscrits dans les fédérations où la CGT a une bonne audience et est structurée spécifiquement (cheminots). Cela pose la nécessité d’une réflexion accélérée sur une nouvelle évolution du salariat dans les secteurs professionnels afin d’appréhender le salariat tel qu’il est.
Conclusions analyse et propositions 19e Congrès Ugict-CGT
Plusieurs aspects jouent au niveau de la représentativité de la CGT pour les ICTAM. D’une part, la capacité à présenter des candidats aux 2e et 3e collèges (rayonnement CGT). D’autre part, la qualité de l’activité revendicative menée à travers une activité spécifique organisée ou non. L’analyse détaillée montre que les professions qui ont une structuration de l’activité spécifique (Unions fédérales, syndicats…), ont des résultats nettement supérieurs, que ce soit en taux de syndicalisation, en capacité à présenter des candidats dans les 2e et 3e collèges, comme au niveau de l’audience électorale.
Concernant le deuxième collège, l’écart est très conséquent entre fédérations sans Ufict et fédérations avec Ufict : l’activité généraliste constitue partout un manque à gagner pour la CGT dans le 2e collège.
Nous voulons que notre congrès soit un point d’appui pour le prochain cycle de représentativité. Aussi, avec les camarades en charge de la vie syndicale au plan confédéral, nous réunissons le 1er juillet les fédérations puis les 17 territoires concentrant le plus d’ICTAM pour analyser les résultats et construire un plan de travail sur les 2e et 3e collèges. Nous proposerons, en appui du dispositif confédéral « reconquête électorale » de faire une campagne nationale ICTAM fonction publique et pour le privé sur 2022/2023, avec la mise à disposition d’un « Cadre info » de masse, d’une formation « gagner les élections 2e et 3e collège », d’un kit de tracts et outils adaptables. Nous travaillerons, avec nos organisations, un ciblage croisé des cibles prioritaires pour accompagner les syndicats à forts enjeux et gagner de nouvelles implantations.
***
Préparation du congrès UGICT
Nous proposons de confédéraliser la préparation de notre congrès pour en faire un levier de déploiement de toute la CGT vers les ICTAM
Nous organisons des ateliers préparatoires sur 4 thèmes prioritaires pour préparer notre congrès
- La responsabilité professionnelle, directement percutée dans le contexte Covid
- Les transformations du travail par le numérique, à commencer par le télétravail
- L’articulation entre l’environnement et l’industrie, entre les questions sociales et environnementales
- L’organisation de l’activité spécifique
Ces ateliers sont organisés avec des méthodes d’éducation populaire, pour faire remonter le vécu au travail des syndiqué.e.s, nous les organisons en présentiel ou en visio. Nous en avons déjà tenu une dizaine qui ont été plébiscités (Lyon, Lille, Nantes, Toulouse, Caen, Montreuil, Grenoble, AKKA, CGI…) mais nous avons besoin de continuer à les déployer à l’automne, pour décloisonner l’organisation et préparer en grand le congrès après une année de confinement. Nous sommes à la disposition des organisations et des coopérants confédéraux qui souhaitent en proposer.
Le mandatement de notre congrès est en cours, via nos unions fédérales et les territoires, commissions départementales ou UD. Ce sera bien sûr un temps de formation et de mise en dynamique accélérée, aussi nous invitons les organisations à travailler le mandatement pour en faire un levier de construction spécifique.
—-
[1] INSEE, 2018
[2] INSEE, 2020
[3] APEC, 2020
[4] France Stratégie, Les cadres aujourd’hui, quelle spécificité ? 2020
[5] Baromètre cadre Ugict-CGT Viavoice
[6] France Stratégie, Les cadres aujourd’hui, quelle spécificité ? 2020
[7] Baromètre Ugict-CGT Viavoice